Annulation de l’autorisation commerciale d’un maïs génétiquement modifié tolérant à la sécheresse
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Johannesburg, le 22 octobre 2024
Après neuf ans de procédure judiciaire ardue menée par le Centre africain pour la biodiversité (ACB), un collège complet composé de cinq juges de la Cour suprême d’appel (SCA), siégeant à Bloemfontein, en Afrique du Sud, a aujourd’hui annulé plusieurs échelons de la décision d’approuver de la demande de Monsanto, aujourd’hui Bayer, pour la commercialisation du MON87460, son maïs génétiquement modifié tolérant à la sécheresse. La SCA a également annulé les conclusions de juge Tolmay du tribunal de première instance relatives au principe de précaution.
L’ACB a toujours soutenu qu’en vertu de la loi sur les OGM, le Conseil exécutif avait simplement approuvé la demande d’autorisation de Monsanto, en acceptant sans esprit critique les preuves peu fondées de ce dernier selon lesquelles son organisme génétiquement modifié (OGM) ne constitue pas une menace pour la santé humaine ou l’environnement et en ignorant les preuves contraires apportées par les experts de l’ACB.
À l’unanimité, la SCA a estimé que le Conseil exécutif n’avait aucunement respecté une prescription obligatoire contenue dans l’article 5(1)(a) de la loi sur les OGM1 pour déterminer si Monsanto était tenue de soumettre une évaluation de l’impact sur l’environnement en vertu de la loi nationale sur la gestion de l’environnement (NEMA). La SCA, dans son jugement, a noté qu’il était relativement simple pour l’État d’apporter la preuve qu’une décision avait été prise dans un sens ou dans l’autre, mais qu’il ne l’avait pas fait.
Pour la directrice de l’ACB, Mariam Mayet :
« Ce jugement est extrêmement important parce qu’il expose le caractère systématique de la prise de décision en Afrique du Sud concernant les OGM — quelque chose dont nous avons été témoins et contre laquelle nous avons résisté au cours des 21 dernières années — en particulier l’absence de détermination appropriée du risque posé par les OGM pour sauvegarder le droit constitutionnel à un environnement qui ne soit pas préjudiciable à notre santé et à notre bien-être. Ce jugement nous donne raison et rend ces longues années de lutte très utiles ».
L’ACB a également salué l’arrêt de la SCA concernant l’applicabilité du principe de précaution. Les conclusions du juge Tolmay ont fait l’objet d’un examen minutieux de la part de la SCA, car les juges érudits de la SCA considéraient que le principe de précaution était au cœur de l’affaire dont ils étaient saisis.
Précédemment, devant le tribunal de première instance, le juge Tolmay avait rejeté les arguments de l’ACB concernant l’équité de la procédure. Pour lui, la procédure était équitable et il a refusé de renvoyer l’affaire au Conseil exécutif pour révision de sa décision. L’ACB a fondé son argumentation sur le principe de précaution, qui exige que lorsqu’une activité est susceptible d’affecter l’environnement de manière significative, les décideurs doivent appliquer une approche prudente et réfractaire au risque, qui tienne compte des limites des connaissances actuelles sur les conséquences des décisions et des actions.
La SCA note que le principe de précaution est profondément ancré dans presque tous les accords internationaux récents sur l’environnement. La Cour a également examiné la jurisprudence bien établie de l’Afrique du Sud concernant le principe de précaution et a estimé que le juge Tolmay avait tort de considérer qu’il n’était pas directement pertinent dans les procédures d’examen.
La SCA a déclaré que l’approche adoptée par le juge Tolmay ne tient pas compte du rôle fondamental que joue le principe de précaution en orientant les décideurs dans l’exercice de leur pouvoir discrétionnaire. En outre, la Cour a estimé que l’état actuel des connaissances et de l’incertitude, le risque de dommages graves et irréversibles et l’adoption d’une approche prudente sont conformes à l’objet, au champ d’application et à la finalité de la loi sur les OGM.
La SCA a conclu que le juge Tolmay avait confondu l’obligation découlant de l’article 5(1)(a) avec l’applicabilité du principe de précaution, estimant à tort qu’une étude d’impact sur l’environnement ne serait requise qu’en cas de déclenchement du principe de précaution. La SCA a jugé que le principe de précaution avait été actionné et qu’il aurait dû être appliqué.
Aussi, la question de savoir si le Conseil exécutif s’est conformé à l’article 5(1)(a) en examinant la nécessité d’une étude de l’impact environnemental de la dissémination commerciale proposée de MON87460 était une question séparée et distincte de celle du déclenchement du principe de précaution et le cas échéant, de son application.
Pour ces raisons, le recours de l’ACB a abouti. L’État et Monsanto/Bayer doivent payer pour les dépenses de l’ACB, y compris les honoraires de ses deux avocats.
En fin de compte :
- La décision du juge Tolmay est annulée.
- L’approbation de la demande de Monsanto par le Conseil exécutif aux alentours de juin 2015 est revue et annulée.
- La décision du Conseil exécutif du 1er septembre 2016 rejetant le recours de l’ACB est revue et annulée.
- La décision du ministre de l’Agriculture, des Forêts et de la Pêche du 2 décembre 2016 confirmant le rejet de l’appel et l’approbation de la CE est revue et annulée.
- La demande de Monsanto — aujourd’hui Bayer, pour la commercialisation du MON87460, son maïs génétiquement modifié tolérant à la sécheresse — est renvoyée au Conseil exécutif pour réexamen.
Il s’agit du premier jugement concernant la prise de décision en matière d’OGM en Afrique du Sud. En tant que tel, il crée un précédent, en particulier parce qu’il annule l’arrêt de trois échelons décisionnels — le Conseil exécutif, la Commission d’appel et le ministre — et le jugement de 2023 de la Haute Cour rendu par le juge Tolmay.
Legal Aid South Africa (LASA) a représenté l’ACB, travaillant sans relâche sur cette affaire pendant ces longues années. Nous étions représentés par K Pillay SC et N Stein et nous sommes profondément reconnaissants à l’équipe compétente et dévouée de LASA. Nous sommes en outre redevables au professeur Jack Heineman, au Dr Angelika Hilbeck et au Dr Eva Sirinathsinji pour leurs avis d’experts et leur soutien.
Nous remercions également tous nos donateurs, nos partenaires, nos amis et le public de nous avoir accompagnés dans cette lutte.
Pour obtenir plus d’informations
Veuillez contacter comms@acbio.org.za
- L’article 5(1)(a) de la loi prévoit que le Conseil exécutif doit :
« Lorsqu’un demandeur sollicite, de la manière prescrite, un permis pour mener des activités relatives à des organismes génétiquement modifiés, il détermine si ce demandeur doit, en plus de sa demande, soumettre une évaluation, conformément aux dispositions pertinentes de la [NEMA], de l’impact sur l’environnement et une évaluation des considérations socio-économiques de ces activités. » ↩︎